David Li-pionnier l'open source en Chine : excellent article de 2016 paru dans le Monde. Extraits :
- J’ai découvert le matériel libre en 2008, et j’ai commencé à accumuler plein de choses, comme des imprimantes 3D, de quoi fabriquer des robots… Ma maison est devenue un énorme bazar. Ma femme n’était pas très contente, elle me disait « Vire-moi ça de la maison ! ». C’est comme ça qu’est née l’idée de créer ce hackerspace : pour déplacer du bazar. J’avais deux autres amis qui avaient le même problème, on s’est lancés ensemble en 2010. C’était juste un loisir, on fabriquait des trucs pour s’amuser. Il n’y avait pas de grande cause, ni rien d’autre de ce genre. Au début c’était vraiment petit, à peine 15 m2. Maintenant on dispose de 100m2. Il y a un endroit pour les machines, un autre avec des tables, des gens qui viennent, qui jouent avec ce qu’ils veulent… Il ressemble à tous les autres hackerspaces du monde.
- Les autorités chinoises nous adorent ! La plupart des gens qui viennent sont là pour faire des trucs marrants, ils n’ont pas d’objectif militant. En France et aux Etats-Unis, les makerspaces ont commencé comme une forme de sous-culture et de philosophie. Presque toute l’économie de ces sociétés était fondée sur le service, donc fabriquer quelque chose de ses mains était vu comme nouveau. En Chine, c’est l’inverse ! Quasiment toute l’économie consiste à fabriquer des choses. C’est pourquoi les autorités nous apprécient autant, le premier ministre est même venu chez nous lors d’une sortie officielle !
- Les gens ne voient plus l’innovation comme inaccessible, ils comprennent qu’il s’agit simplement de prendre ce que vous avez sous la main pour en faire autre chose. Les makers apportent une nouvelle façon de penser : le but n’est pas de viser d’énormes avancées technologiques, mais de faire un nouvel usage de la technologie. Aujourd’hui, il existe plus d’une centaine de makerspaces en Chine. Mais la grande différence avec les autres pays comme les Etats-Unis ou la France, c’est que la Chine est toujours un pays en développement. Les gens ne regardent pas le mouvement maker du point de vue philosophique, mais comme une opportunité de business. La plupart ont été créés dans l’idée d’en faire des entreprises, ou des incubateurs. Peu existent uniquement pour le loisir, comme le nôtre.
- C’est surtout la Chine qui a des choses à enseigner aux makers ! Et notamment la ville de Shenzhen, dont l’industrie mobile présente de grandes similarités avec le mouvement maker. C’est une industrie énorme, chaotique et « fun ». Ils innovent en permanence et se fichent de la propriété intellectuelle, ils partagent tout. Pourquoi ? Parce que cette industrie est basée sur la copie. Tout a commencé dans les années 2000. Tout le monde voulait un mobile, et pas seulement dans les pays riches. Or un Nokia coûtait très cher à l’époque. C’est comme ça que l’industrie a commencé à Shenzhen : ils ne voulaient pas inventer, ils voulaient juste copier ce qui se faisait déjà. Le secteur a grandi, et rapidement, copier les grandes marques n’a pas suffi. Ils ont commencé à innover, tout en continuant à se copier mutuellement : pour eux, le meilleur moyen de survivre, c’est de partager ! Tous les composants qu’ils créent sont compatibles entre eux : ils font de l’open source pour survivre.
https://www.thingscon.nl/news/david-li-shenzhen-cradle-things/
https://www.vam.ac.uk/shekou/from-shenzhen-shanzhai-and-the-maker-movement/