Comment traduire ce mot, et de quoi parlons-nous ?


Ce mot très à la mode nous pose problème car 1) des gens n’aiment pas le franglais et trouvent que c'est "se la péter" que de l'utiliser 2) sur le fond il couvre des finalités différentes et c’est sans doute parce qu’il semble consensuel et tellement ouvert que les gens l’achètent sans savoir s'ils parlent de la même chose.
La notion d’empowerment, très approximativement traduite par les termes français "insertion" ou "autonomisation", est aujourd’hui au cœur de la rhétorique sur la "participation des pauvres" au développement. Dans le projet Right to Repair, le mot a d'ailleurs été abondamment utilisé.
Une p'tite mise au point crapaudine nous semble nécessaire !

Une revue historique et politique de l'empowerment


Ce texte https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2009-4-page-735.htm retrace de manière approfondie l'histoire de ce mot et l'évolution de son usage dans le monde, puis fait l'inventaire des nombreuses critiques dont il est l'objet aujourd'hui.

Le mot date des années 60, dans le contexte de luttes de minorités contre l'oppression : les féministes, les noirs aux Etats-Unis, les communautés LGTB... en 1968 Paulo Freire avec son ouvrage Pédagogie des opprimés devient une source d'inspiration pour tous. Il parle de l'empowerment comme d'une nécessaire "prise de conscience critique" et agit par l'alphabétisation des populations illettrées. L'empowerment désignait ainsi une lutte politique, souvent radicale contre un système de caste, oligarchique, machiste etc. Freire a d'ailleurs fait de la prison, et c'est ce qui l'a incité à écrire "l'Éducation comme pratique de la liberté".

Dans les années 90 l’empowerment a été détourné par les institutions d'aide au développement (ONU, Banque Mondiale, ONG, acteurs de l'insertion...) pour devenir un concept de développement économique et individuel. Pour Sardenberg (2008), on passe de "l’empowerment libérateur" à "l’empowerment libéral" axé, celui-ci, sur la maximisation de l’intérêt individuel. Avec l’insertion, la participation des pauvres au débat… c’est le statu quo qui est maintenu au profit des riches et des institutions.
Aujourd'hui, le mot est mis à toutes les sauces, en management, en entreprise, en psychologie... il y a même des livres et des sites sur le "self empowerment des chiens" et autres animaux domestiques !

Conclusion de l'article : "La résistance, argumentent plusieurs, doit être locale comme globale et doit s’inscrire dans une contestation plus large du modèle de développement néolibéral, patriarcal et néocolonial dominant qui perpétue et renforce les rapports de pouvoir inégalitaires Si ces initiatives d’empowerment sont variées et se déploient, avec plus ou moins de succès, dans des contextes culturels spécifiques, elles sont toutes initiées collectivement depuis la base, participent à la prise de conscience critique par les individus de leur condition et visent la transformation des rapports de pouvoir inégaux."

Empowerment et Crapauds fous


Les Crapauds fous défendent les valeurs du libre, avec des démarches Open Source, Open Hardware, Open éducation telles que le Right to Repair, Semouraïs, le LED projet d'Internet décentralisé en P2P, la Crapomobile

Nos actions ne s'incarnent pas dans une lutte politique radicale telle que celles des années 60 décrites plus haut, ni dans une approche néo-libérale cherchant à maximiser l'intérêt individuel et le consumérisme.
Pour nous, il s'agit simplement de permettre la diffusion d'une contre-culture visant à donner aux gens les moyens de (re)devenir acteurs de leur vie, face aux trois tsunamis écologique, informationnel et technologique. Nous voulons favoriser une prise de conscience, libérer les potentiels, contribuer à l'émergence de solutions décentralisées depuis la base. L'innovation utile, au service des usagers, et non de marchands ou d'oligarques.

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Liens utiles

  • Schooling the world : un documentaire sur l'éducation imposée par le système dominant aux civilisations anciennes (ici les Ladakhi)
  • le non-sens humanitaire : article du Monde rédigé par une jeune diplômée désabusée par tout ce qu'on souligne ici en matière d'empowerment, elle quitte le monde des ONG
  • "On a trouvé nous-mêmes les conditions de notre autonomie" : analyse intéressante de la manière dont les jeunes s’engagent autrement, par leur action intérieure autant qu’extérieure, avec des exemples comme la Base, Alternatiba, la Movilab Songo... à l'occasion des Journées O21 organisées par le Monde (à Paris le 6-7 avril 2019)

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